quinta-feira, 4 de novembro de 2010

"Pour la Chine, la France est loin d'être une puissance égale"

Le Monde


L'avocat d'affaires Olivier Lefébure, ancien vice-président de la chambre de commerce et d'industrie française en Chine, revient sur les relations actuelles entre Paris et Pékin, alors que le président Hu Jintao effectue depuis jeudi une visite de trois jours dans l'Hexagone. Jeudi, Paris et Pékin ont signé une série de contrats, qui pourraient atteindre un total de 14 milliards d'euros, selon Pékin.

De manière très claire, elle symbolise la fin d'une période de querelle diplomatique. Au-delà des contrats signés entre les grandes entreprises – généralement acquis et négociés depuis plusieurs mois et qui sont un outil efficace de communication politique –, l'attention portée sur l'économie montre qu'on ne veut plus parler des sujets qui fâchent.

Il faut dire que ça ne pouvait que se réchauffer, tant le comportement de Nicolas Sarkozy en 2008, au sujet des Jeux olympiques et du Tibet, a été mal vu par les Chinois. Ils ont trouvé notre président maladroit, inconsistant, et nous l'ont fait ensuite payer assez cher. Nos diplomates sur place se sont sentis "en quarantaine", la politique de visas à l'égard des Français a été plus sévère, tandis que les dirigeants chinois ont soigneusement évité notre pays lors des voyages européens.

Tout cela est semble-t-il terminé, sans être toutefois revenu à l'excellence des relations d'avant 2008. Mais la réconciliation n'est pas due à une quelconque inflexion de Pékin : c'est surtout l'évolution du discours de la France et la fin des prises de position de Nicolas Sarkozy sur la politique intérieure chinoise qui ont joué.

Lors de cette visite, l'accent est mis sur le nombre de contrats signés entre les deux pays. Ces dernières années, les échanges économiques ont-ils souffert de l'agitation diplomatique ?

La Chine ne mélange pas les genres. La politique extérieure est une chose, le business en est une autre. Ses relations avec le Japon et Taïwan sont diplomatiquement exécrables, mais ces pays restent les premiers partenaires commerciaux des Chinois.

Les relations commerciales franco-chinoises et les chiffres de l'import-export n'ont pas fondamentalement évolué depuis 2008 : la structure des échanges pèse dans ce domaine bien plus que la diplomatie. On peut s'en réjouir, mais aussi le déplorer, car la France est encore loin de pouvoir jouer un rôle important en Chine. La part de marché de la France dans le pays n'est que de 1,2 % ou 1,3 % : c'est très en deçà de ce que l'on représente au niveau mondial (environ 5 %).

Nos exportations se concentrent majoritairement sur les projets industriels de grands groupes. Or, en ce moment, le marché intérieur chinois se modifie avec l'émergence d'une nouvelle classe moyenne et l'apparition d'habitudes dont les entreprises françaises pourraient profiter. Je pense à des biens de consommation sophistiqués où la France a traditionnellement une bonne image (luxe, vins...), mais aussi à d'autres marchés, comme celui de l'automobile, qui sont poussés par ces transformations intérieures.

Mais la concurrence dans ces domaines est rude. Les autres pays européens, les Nord-Américains, les Indiens, les Australiens et bien d'autres sont sur le coup, et les Chinois évitent généralement de mettre tous leurs œufs dans le même panier.

Que penser de la déclaration d'Hu Jintao, qui entend créer un partenariat "d'égal à égal" entre la France et la Chine, pour "assurer (...) un développement sain et régulier des relations, et élargir les échanges commerciaux" ?

Il s'agit d'une marque de courtoisie chinoise, facile à faire lorsqu'on est la locomotive mondiale. La France, pour la Chine, est un partenaire, mais est loin d'être considérée comme une puissance "égale". Surtout lorsque notre situation des finances publiques est calamiteuse et que notre déficit commercial envers la Chine est si élevé [20 milliards d'euros en 2009 selon les douanes françaises].

Dans ce cadre, la France est perçue comme le reste des pays occidentaux, qui cherchent à conserver leur rôle de leaders mondiaux sans en avoir les moyens. La Chine, tout en ayant conscience de sa force de frappe économique, se considère toujours comme un "pays pauvre", au PIB par habitant dix fois moins important que ceux de l'Europe et des Etats-Unis.

Pour elle, donc, la priorité reste de dynamiser la croissance et de conquérir de nouveaux marchés. Et force est de constater que les Chinois attaquent très intelligemment, en appuyant là où ça fait mal. Ils proposent ainsi sans complexe une aide financière à la Grèce et au Portugal, alors que l'Union européenne a mis des mois à se coordonner pour proposer un plan d'aide pour lutter contre la crise de la dette. En contrepartie, les Chinois remportent des marchés stratégiques dans ces pays, par exemple ceux de l'industrie navale en Grèce. "L'égal à égal", dans ce contexte, reste une fois de plus de l'affichage diplomatique.

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